• Le 01 février 2024 de 14:30 à 16:00
    Campus Centre Loire
    Amphi B, bâtiment Bias 2, 10 rue Bias
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    • Gratuit étudiants UP, étudiants en formation initiale et personnel de l'Université sur présentation de la carte
    • 6 € tout public
    Aucune réservation, billetterie sur place. Entrée dans la limite des places disponibles

  • Plan d'accès

14h30 - Amphi B, bâtiment Bias 2, 10 rue Bias

PMV De tout temps, des Espagnols ont quitté la Péninsule pour aller chercher fortune sous d’autres cieux : l’Amérique tout d’abord, l’Europe ensuite. C’est à partir de la seconde moitié du XIXe siècle que cette émigration devient un phénomène de grande ampleur. À ces mouvements de population vers l’extérieur de l’Espagne s’ajoutent, à partir des années 1950, des déplacements en nombre des campagnes de l’intérieur du pays vers les grandes villes industrielles de la périphérie, en raison des insuffisances endémiques du développement économique incapable d’assurer une relève à une économie agraire et archaïque en crise. Cela a condamné le monde rural à l’abandon en Espagne, mais pas uniquement, la modernité et le progrès ayant été associés au mépris pour la ruralité.
Le flux de réfugiés politiques (émigrés politiques) provoqué par la Guerre civile espagnole (1936 - 1339) constitue le plus grand exode que la France et l’Espagne aient connu. Au total, 500.000 personnes arrivent, après la chute de Barcelone en janvier 1939, par les passages de Pyrénées, au Perthus notamment. Le dessinateur de presse Aurel en témoigne dans son film Josep (2020) et dans son roman graphique éponyme.
Au-delà des difficultés de la quantification et des distinctions à faire entre les deux types de migrations reste l’ampleur d’un phénomène : des habitudes sont prises, des réseaux s’organisent, une culture nouvelle en somme se crée autour de l’émigration et de l’exil, solidement établie, sinon toujours dans la vie mais du moins dans les horizons intellectuels de très nombreux Espagnols de la fin du XIXe et du XXe siècles.
La pratique de l’émigration et de l’exil deviennent une des composantes essentielles de leur vie, mais sous des formes variables avec le temps et que le cinéma élude sous la période franquiste pour des raisons politiques et, pendant la Transition et les années suivantes en raison des priorités accordées à d’autres thématiques qui intéressent davantage les publics : les questions mémorielles, les comédies urbaines, les changements des mœurs et des valeurs. Madrid et Barcelone sont alors protagonistes d’un grand nombre de films dans les dernières décennies du XXe siècle avec Pedro Almodóvar en tête.
Le fait rural et les déplacements de populations n’ont pas exercé, sauf exception, beaucoup de fascination chez les réalisatrices ou réalisateurs espagnols jusqu’à une date récente : Carla Simón (Nos soleils, 2022), Rodrigo Sorogoyen (As Bestas, 2022), Mikel Gurrea (Suro, 2022), Elena López Riera (El agua, 2022), font partie de cette génération qui se situe dans une logique de transmission intergénérationnelle d’une société rurale. Le cinéma espagnol ne cesse de nous surprendre ces derniers temps. Derrière les Almodóvar, Fernando Trueba, Fernando León de Aranoa, Isabel Coixet, Iciar Bollaín, une nouvelle génération qui ne craint pas de renouer et de poursuivre les voies ouvertes par Berlanga, Bardem, Buñuel, Carlos Saura ou Victor Erice. Un cinéma ancré dans la terre, dans ce monde paysan si caractéristique de l’histoire de ce pays. Ces jeunes cinéastes, avec leur style fort différent filment sans complexes ni ambages des histoires paysannes, un monde rural en déclin, confronté à l’appétit des promoteurs, la recherche de leurs racines et leur identité à l’écart des grandes métropoles, l’envie de renouer avec des formes d’engagement local mettant en relation étroite le monde d’avant avec le monde d’après.

Pilar MARTINEZ-VASSEUR est Professeur émérite en Histoire et Civilisation de l’Espagne contemporaine. Elle est co-directrice du Festival de Cinéma Espagnol de Nantes.
Mis à jour le 25 janvier 2024.
https://u-news.univ-nantes.fr/exodes-et-neoruralismes-dans-le-cinema-espagnol-contemporain-martinez-vasseur-pilar