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Voyage à grande vitesse d’une transition isolant-métal induite par la lumière

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  • Le 18 octobre 2024
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Des chercheurs de l’Institut des matériaux de Nantes Jean Rouxel (IMN, CNRS - Nantes Université), de l’Institut de Physique de Rennes (CNRS - Université de Rennes) et de l’Université de Tohoku (Sendai - Japon), réunis au sein du Laboratoire International de Recherche CNRS-Japon DYNACOM, ont montré que la transition isolant métal photoinduite dans des matériaux quantiques - appelés isolants de Mott - se propage à la vitesse du son grâce à une onde de déformation comprimant le matériau. Ces travaux, publiés dans Nature Physics, permettent d’envisager des composants Mottroniques réagissant en quelques picosecondes.

Les avancées spectaculaires des lasers ultrarapides, récompensées par le prix Nobel de physique en 2018 et 2023, ont ouvert de nouvelles voies d’étude des matériaux, offrant la possibilité de manipuler leurs propriétés électroniques vers de nouveaux états inaccessibles jusqu’ici. L’application d’une impulsion laser ultrabrève sur des matériaux quantiques - appelés isolants de Mott - entraine ainsi une transition de phase vers un état métallique transitoire. Pendant longtemps, cette transition a été pensée comme une transition d’origine électronique pour laquelle le couplage au réseau (i.e. à la structure du matériau) jouait un rôle secondaire.

Mais dans leurs travaux publiés dans la revue Nature Physics, les chercheurs du laboratoire international DYNACOM viennent de montrer que c’est au contraire le couplage au réseau qui pilote la propagation de la transition isolant - métal. En mêlant des mesures résolues en temps sondant à la fois les changements de nature électronique et structuraux, ils ont en effet montré que la photoexcitation électronique provoquée par l’impulsion laser induit des contraintes de pression interne qui déclenche ensuite, à partir de la surface libre, la propagation à la vitesse du son d’une onde de déformation volumique dans l’épaisseur du matériau. La transformation électronique isolant-métal suit ainsi la vague de cette onde de déformation qui comprime le matériau. Ces résultats ont pu être obtenus grâce à des expériences - clés de diffraction des rayons X résolues en temps à l’ESRF à Grenoble, France et à MAX IV à Lund, Suède.

Au-delà des aspects fondamentaux, ces travaux montrent que des temps de commutation ultime de l’ordre de la picoseconde sont possibles dans des dispositifs issus de la Mottronique, une nouvelle électronique utilisant les propriétés des isolants de Mott étudiée notamment par les chercheurs de l'IMN. Cela ouvre la voie à la réalisation de nouvelles mémoires et à des réseaux de neurones artificiels jusqu’à mille fois plus rapides que les technologies existantes.
 

Haut: vue d'artiste du diagramme de phase du matériau de Mott V2O3, mettant en évidence son état isolant initial (en bleu) avant sa photoexcitation par un laser ultrarapide qui le pousse vers un état métallique (en jaune) par un mécanisme de propagation d'onde de déformation.

Bas: Représentation schématique du mécanisme de transformation opérant à la vitesse du son. De gauche à droite : photo-excitation initiale (a) induisant une pression interne négative (b), suivi d’une propagation de la transformation électronique dans le sillage d'un front d'onde de déformation compressive (c).


 
Mis à jour le 18 octobre 2024.
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